mercredi 2 février 2011

Sarah Palin : W.T.F. !

Dans son discours sur l'État de l'Union, rituel annuel pour tout président, Barack Obama a notamment enjoint son pays à se lancer dans de grands programmes de recherche, scientifiques et technologiques, tout afin de « gagner le futur ».
"Win The Future" a donc été l'une des formules qui a rythmé le discours fleuve d'Obama devant le Congrès, imperturbablement rassembleur, et considéré par la critique comme très modéré, 'middle of the road'.

C'est là que Sarah Palin a décidé de rebondir et de faire apprécier son esprit de répartie.
L'ancienne candidate à la vice-présidence (au côté de John McCain ) qui s'est récemment rapproché du mouvement du "Tea Party" qu'elle désire ostensiblement représenter, était l'invitée de l'émission de Greta Van Susteren, sur Fox-News.


Sarah Palin : «  A propos d'hier soir, c'était difficile de supporter un tel discours, et d'encaisser ça en restant assise tout du long. Parce que le président est tellement déconnecté dans ses idées, sur la façon dont il croit que c'est le gouvernement qui va créer des emplois. Il est évident que l'accroissement du [ rôle du] gouvernement ne créera aucun emploi, c'est le secteur privé qui peut créer des emplois.
Et le thème qu'il a choisi hier, sur l'État de l'Union, était le W. T. F., vous savez, gagner le futur ('winning the future'). Alors j'ai pensé, cet acronyme-là, attendez un peu… Mais il y avait plein de passages W.T.F. dans ce discours ! »
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Pour comprendre ce trait d'esprit, il faut connaître quelques abréviations courantes que les étasuniens emploient volontiers dans leur courrier, leurs Emails, et plus encore dans les messages sur Twitter. Ainsi :
LOL —  signifie "lots of laughs"           =  hilarant, très drôle  (lit./ beaucoup de rires)
BTW— est l'abrégé de "by the way"    = au fait, à ce sujet    (lit./ en passant)

Certains de ces acronymes ne sont pas seulement utilisés pour gagner de la place, mais aussi parce qu'ils permettent de faire allusion à un gros mot que la bienséance condamne, sans l'écrire en toute lettre. Tout le monde, aux USA, sait que :
WTF— signifie "what the fuck !"    = on s'en fout, on s'en bat les c… !

Difficile de dire en conclusion si la politique prend ici un tour cabalistique, ou tombe dans la calembredaine.

lundi 16 août 2010

Distiller la peur pour récolter des votes au États-Unis.

Editorial du New York Times sur la Xénophobie (2) 
Publié le 5 août 2010
[suite au premier édito sur la xénophobie en France, la traduction d'un texte paru le même jour.]

Les leaders du parti Républicain sont devenus frileux en ce qui concerne le 14ème Amendement de la Constitution qui garanti la citoyenneté à ceux qui sont nés aux États-Unis. Des sénateurs comme Mitch McConnell, John McCain, Lindsey Graham, Jeff Sessions et Jon Kyl ont suggéré que le pays s'intéresse à cette législation, la réexamine, y réfléchisse et organise des auditions. Ils semblent se demander si nous n'aurions pas fait quelque erreur, il y a 150 ans, lorsqu'à la suite de la Guerre Civile, nous avons libéré les esclaves Africains et déclaré qu'ils ne seraient plus, avec leur descendants, des objets de propriété ou des sous-citoyens, mais des Américains à part entière, libres.

Si l'on parle de valeurs essentielles, le 14ème Amendement est un garde-fou. Il déclare, en cela bien tardivement, que la citoyenneté ne saurait être une question de race, de couleur, de croyance, de richesse, de statut politique ou de liens de sang. Ce texte ne peut devenir la proie de quelque girouette politicienne, ni de débats sur qui serait digne, au juste, d'être Américain. 
« Toute personne née ou naturalisée au États-Unis d'Amérique, et sujet à la juridiction en vigueur dans ce pays, » déclare cet amendement, « est citoyen des États-Unis et de l'État où elle réside. »

Certains comme monsieur Sessions, qui se targue de savoir interpréter fidèlement la Constitution ( au sujet du port d'armes, par exemple), trouvent que ce langage est par trop ambigu. « Je ne suis pas sûr de ce que les fondateurs avaient exactement à l'esprit quand ils ont rédigé cet amendement, mais je doute qu'ils pensaient qu'une personne pourrait s'envoler depuis le du Brésil, avoir un enfant ici, et s'en retourner dans son pays avec un enfant qui devrait désormais être considéré comme un citoyen Américain. » a déclaré M. Sessions le premier des élus Républicains siégeant au Judiciary Committee (*).

Il est vrai que le transport aérien n'était pas une préoccupation majeure en 1868. Mais il ne s'agit nullement ici, en fait, d'une horde de Brésiliennes enceintes prenant l'avion, à supposer qu'une telle chose existe. Les cibles réelles de ce discours sont en fait les Mexicains et d'autres populations principalement hispanophones qui sont l'objet d'une chasse aux sorcières — les “bébés-harpons“ (°) en l'occurrence, des enfants d'immigrés illégaux qui ne verraient le jour que pour envahir et occuper notre pays. 

D'ordinaire, l'alarme à propos de ces dangereux enfants étrangers est sonnée par des fanatiques, comme Tom Tancredo (Colorado), dont le registre se réduit à ce genre de ficelle. Mais cette tentation peut séduire les deux ailes politiques. Ainsi le Sénateur Harry Reid (Nevada) qui a conspué cette semaine ces Républicains qui trahissent leurs principes concernant le droit du sol, a lui-même remué ce genre de peurs à l'occasion d'une proposition de loi de 1993, pour laquelle il s'est depuis excusé. 

Heureusement la Constitution est solide. Ceux qui contestent la citoyenneté de naissance auront bien du mal à réécrire le 14ème Amendement et même à le contourner juridiquement. Plus d'un siècle de jurisprudence s'élève contre leur interprétation qui voudrait que le passage « …et sujet à la juridiction en vigueur dans ce pays, » (qui ménage en fait une exception pour les fils de diplomates et les membres de tribus indiennes souveraines) affecte également les enfants sans papiers.

Ceux qui souhaitent changer cet amendement doivent aussi envisager le colosse étatique que leurs nouvelles règles manqueraient pas de créer; et que tous les parents auraient à charge de prouver le statut de leurs enfants. Des bataillons d'avocats y gagneraient emploi à plein temps, pour défendre des milliers de nouveaux nés rendus apatrides tous les ans : une génération instantanée de déclassés permanents. Sans compter ce qui deviendrait d'un coup obsolète : tout ces textes civiques, ces vieux films, les livres d'images patriotiques et nos chansons 'rouge-blanc-bleues'.

Les États-Unis n'ont jamais offert de chemin clair et sans douleur pour intégrer les nouveaux arrivants. Mais nos périodes les plus honteuses sont certainement celles marquées par le rejet de groupes entiers, souvent ceux qui accomplirent nos travaux les plus durs: les Indiens, les Africains-Américains, les Chinois, Irlandais, Italiens, les Catholiques, les Juifs, les Polonais, Japonais-Américains et Hispaniques. L'Amérique s'est montrée la plus digne lorsqu'elle a oser élargir la définition de ce que “nous“ sommes.

De là vient que nous demeurons le pays le plus accueillant envers les immigrants. Une poignée de politiciens, en plein copinage électoral pour une élection intermédiaire, ne devraient pas être autorisés à détruire tout cela.


© The New York Times Company-2010, Grégoire Lyon pour la traduction française.
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 Notes :
(*) Dans les deux chambres du Parlement des États-Unis, les 'Committees' sont des commissions spécialisées composées de cinq élus (représentants(=députés) ou sénateurs). Ainsi les Judiciary, Defense, Finance ou Foreign Affairs Committes — ils sont dirigés par un élu de la majorité alors que leurs quatre autres membres sont également répartis entre Démocrates et Républicains.
(°) « Anchor-babies », littéralement des 'bébés-ancre', expression qui n'a rien de traditionnel, mais est due à la verve des nombreux chantres d'une droite réactionnaire qui s'est encore extrémisée depuis l'élection de Barack Obama : hommes de radio décomplexés, pasteurs engagés et autres manifestants des "Tea Party", rassemblés pour contester la nouvelle couverture  médicale, ou "birthers", qui contestent la validité du certificat de naissance de l'actuel président.

Lien : version originale en anglais.
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mardi 10 août 2010

Sarkozy et la Non-France : Edito du NYT sur la Xénophobie (1)

N. Sarkozy, le soir même de son élection en 2007, avait souhaité, à la surprise générale, renouer des relations amicales avec les États-Unis (alors présidés par G.W. Bush) qu'il accusait à demi-mots son prédécesseur (J. Chirac) de ne pas avoir honorées. L'image de la France aux USA et dans le monde en fut-elle rehaussée ? C'est une question plus complexe qu'il n'y paraît. 
En tout cas il semble que même lorsque le président français ne s'adresse pas à l'Amérique mais bien aux électeurs Français, comme en ce début d'août 2010, la presse américaine est loin d'être sourde à la signification de ses propos. 
En témoigne cet éditorial du New York Times, paru le 6 août et dont voici une traduction :

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« Xénophobie: Rejeter ce qui n'est pas français. »

«  La France n'a pas de 14ème Amendement (ndt: section de la constitution américaine, établissant le droit du sol, qui est actuellement attaquée par la droite populiste) mais le président français, Nicolas Sarkozy, qui aime se faire appeler Sarko l'Américain, souffle, de son côté de l'Atlantique, sur les braises d'un dangereux populisme pour engranger des bénéfices politiques à court terme sur le dos des immigrés.

Il a souhaité, la semaine dernière, que soient déchus de leur citoyenneté les Français nés à l'étranger coupables d'atteinte à la vie d'un policier ou d'autres crimes graves. Au cas où les électeurs n'auraient pas compris que c'était les immigrés musulmans qui seraient particulièrement visés par une telle loi, le ministre de l'intérieur de M. Sarkozy a judicieusement ajouté la polygamie et l'excision à la liste des offenses qui pourraient entraîner cette perte de citoyenneté.

Quelques jours plus tôt, M. Sarkozy a promis de détruire les camps de Roms et de  renvoyer ces gens d'où ils viennent, principalement de Roumanie et de Bulgarie —deux pays membres de l'Union Européenne, dont des centaines de milliers de ressortissants, résidant en France légalement, risquent aujourd'hui d'être balayés par des descentes de police et d'être expulsés.
M. Sarkozy souhaite encore que l'attribution automatique de leur nationalité soit déniée à des individus nés en France, de parents étrangers, et coupables de délinquance juvénile.

Tout ceci se passe dans un pays qui a fièrement et depuis fort longtemps institué que tous les citoyens, Français de naissance ou naturalisés, étaient égaux devant la loi et jouissaient par principe des mêmes droits. Ce qui s'applique d'ailleurs au père de M. Sarkozy, natif de Hongrie, et à sa femme, née en Italie, —tous deux naturalisés Français, et qui devrait s'appliquer à tout autre citoyen.

Mais la stigmatisation des immigrés est populaire parmi les électeurs Français non-immigrés, et M. Sarkozy n'a jamais répugné a employer ce procédé. Il a bâti sa campagne présidentielle sur son bilan agressif (et ses expressions incendiaires) en tant que ministre de l'intérieur. Et il a plus récemment lancé une campagne qui a divisé le pays, cherchant à définir l'identité nationale française, dans le but de contrer le Front National (le parti d'extrême droite qui maudit l'immigration) dans les élections régionales. Cela n'a pas marché. 

Maintenant, alors que sa cote politique est au plus bas tandis que le Front National semble renaître sous un leadership rajeuni, M. Sarkozy est allé plus loin. Tout ceci ne manque pas de troubler les conservateurs traditionnels qui tiennent encore aux droits de l'homme et à l'égalité de tous les citoyens français. Ils ont raison d'être inquiets, et il est bien mal avisé d'ignorer à ce point leurs conseils.  »


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Cet éditorial figurait dans l'éditon imprimée du New York Times, le 6 août 2010, ainsi que dans l'International Herald Tribune. 

Copyright: the New York Times company 
(—Grégoire Lyon pour la traduction française)
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Parmi les réactions que les citations de cet éditorial du NYT ont provoquées dans la presse et les blogs en France, une des plus récurrentes conseille aux Américains de "balayer devant leur porte", tout en rappelant pèle-mêle la peine de mort, la torture en Irak et les problèmes liés à l'immigration mexicaine… Le chauvinisme français aurait-il été piqué à vif ? Notons que la presse allemande n'est guère plus amène sur le sujet !
Mais c'est mal connaître la presse américaine qui, même si elle ne prétend plus donner des leçons d'indépendance au monde entier, sait garder des traditions 'bi-partisanes' et auto-critique que tout le spectre des médias français devrait lui envier.
Nous publierons donc prochainement un deuxième éditorial du même journal, paru le même jour, traitant cette fois-ci de la xénophobie rampante… aux USA. 
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