mardi 10 août 2010

Sarkozy et la Non-France : Edito du NYT sur la Xénophobie (1)

N. Sarkozy, le soir même de son élection en 2007, avait souhaité, à la surprise générale, renouer des relations amicales avec les États-Unis (alors présidés par G.W. Bush) qu'il accusait à demi-mots son prédécesseur (J. Chirac) de ne pas avoir honorées. L'image de la France aux USA et dans le monde en fut-elle rehaussée ? C'est une question plus complexe qu'il n'y paraît. 
En tout cas il semble que même lorsque le président français ne s'adresse pas à l'Amérique mais bien aux électeurs Français, comme en ce début d'août 2010, la presse américaine est loin d'être sourde à la signification de ses propos. 
En témoigne cet éditorial du New York Times, paru le 6 août et dont voici une traduction :

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« Xénophobie: Rejeter ce qui n'est pas français. »

«  La France n'a pas de 14ème Amendement (ndt: section de la constitution américaine, établissant le droit du sol, qui est actuellement attaquée par la droite populiste) mais le président français, Nicolas Sarkozy, qui aime se faire appeler Sarko l'Américain, souffle, de son côté de l'Atlantique, sur les braises d'un dangereux populisme pour engranger des bénéfices politiques à court terme sur le dos des immigrés.

Il a souhaité, la semaine dernière, que soient déchus de leur citoyenneté les Français nés à l'étranger coupables d'atteinte à la vie d'un policier ou d'autres crimes graves. Au cas où les électeurs n'auraient pas compris que c'était les immigrés musulmans qui seraient particulièrement visés par une telle loi, le ministre de l'intérieur de M. Sarkozy a judicieusement ajouté la polygamie et l'excision à la liste des offenses qui pourraient entraîner cette perte de citoyenneté.

Quelques jours plus tôt, M. Sarkozy a promis de détruire les camps de Roms et de  renvoyer ces gens d'où ils viennent, principalement de Roumanie et de Bulgarie —deux pays membres de l'Union Européenne, dont des centaines de milliers de ressortissants, résidant en France légalement, risquent aujourd'hui d'être balayés par des descentes de police et d'être expulsés.
M. Sarkozy souhaite encore que l'attribution automatique de leur nationalité soit déniée à des individus nés en France, de parents étrangers, et coupables de délinquance juvénile.

Tout ceci se passe dans un pays qui a fièrement et depuis fort longtemps institué que tous les citoyens, Français de naissance ou naturalisés, étaient égaux devant la loi et jouissaient par principe des mêmes droits. Ce qui s'applique d'ailleurs au père de M. Sarkozy, natif de Hongrie, et à sa femme, née en Italie, —tous deux naturalisés Français, et qui devrait s'appliquer à tout autre citoyen.

Mais la stigmatisation des immigrés est populaire parmi les électeurs Français non-immigrés, et M. Sarkozy n'a jamais répugné a employer ce procédé. Il a bâti sa campagne présidentielle sur son bilan agressif (et ses expressions incendiaires) en tant que ministre de l'intérieur. Et il a plus récemment lancé une campagne qui a divisé le pays, cherchant à définir l'identité nationale française, dans le but de contrer le Front National (le parti d'extrême droite qui maudit l'immigration) dans les élections régionales. Cela n'a pas marché. 

Maintenant, alors que sa cote politique est au plus bas tandis que le Front National semble renaître sous un leadership rajeuni, M. Sarkozy est allé plus loin. Tout ceci ne manque pas de troubler les conservateurs traditionnels qui tiennent encore aux droits de l'homme et à l'égalité de tous les citoyens français. Ils ont raison d'être inquiets, et il est bien mal avisé d'ignorer à ce point leurs conseils.  »


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Cet éditorial figurait dans l'éditon imprimée du New York Times, le 6 août 2010, ainsi que dans l'International Herald Tribune. 

Copyright: the New York Times company 
(—Grégoire Lyon pour la traduction française)
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Parmi les réactions que les citations de cet éditorial du NYT ont provoquées dans la presse et les blogs en France, une des plus récurrentes conseille aux Américains de "balayer devant leur porte", tout en rappelant pèle-mêle la peine de mort, la torture en Irak et les problèmes liés à l'immigration mexicaine… Le chauvinisme français aurait-il été piqué à vif ? Notons que la presse allemande n'est guère plus amène sur le sujet !
Mais c'est mal connaître la presse américaine qui, même si elle ne prétend plus donner des leçons d'indépendance au monde entier, sait garder des traditions 'bi-partisanes' et auto-critique que tout le spectre des médias français devrait lui envier.
Nous publierons donc prochainement un deuxième éditorial du même journal, paru le même jour, traitant cette fois-ci de la xénophobie rampante… aux USA. 
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1 commentaire:

  1. Bravo pour cette traduction qui fait apparaître les inquiétudes d'une Amérique enfin libérée de l'étau Bush et dirigée par un homme risquant par chez nous le délit de faciès...

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